Notre constat
Si dans un système familial, il y a des caps à franchir, des moments de rupture durant lesquels les schémas relationnels sont revus, reconfigurés, reconstruits, alors l’adolescence constitue le Cap Horn de cette traversée familiale.
Alex et ses parents
Prenons l’exemple d’Alex, adolescent de 17 ans, venu nous consulter avec ses deux parents :
Alex est un enfant sans histoire, avec de bons résultats scolaires, toujours loyal envers ses parents, ses amis, ses professeurs.
Depuis quelques temps, Alex entre en conflit avec tout le monde : ses frères et sœurs pour un oui ou pour un non, ses camarades de classe au point de se faire ostraciser par certains groupes, ses parents avec lesquels il dit ne plus avoir aucune valeur en commun, ses parents, encore, qui seraient à l’origine de tous ses maux. Les conséquences sont nombreuses : plus aucune participation à la vie de famille, passif, apathique, Alex se plaint tout le temps, victime du monde et de sa famille, mais paradoxalement il cherche toujours de la reconnaissance.
Alex nous dit :
« Mes amis, ils ne comprennent rien, ils ne voient pas la réalité telle que je la vois. Je ne sais pas comment vous le dire exactement, mais je sais que j’ai raison quand je parle avec eux. Je me sens incompris, pas traité à ma juste valeur. J’ai l’impression que je suis le seul à voir les dysfonctionnements de notre environnement ; j’en parle à mes frères et sœurs mais ils ne voient rien, ne comprennent rien, ils en ont marre que je les fatigue avec ça. Quant à mes parents, eux ils sont complètement à côté de la plaque : je ne sais pas où va cette famille, on dirait qu’elle est ancrée pour toujours dans le passé. »
Les parents d’Alex nous disent :
« Nous ressentons beaucoup d’ingratitude de la part d’Alex. Après tout ce que nous avons fait pour lui, et ce que nous continuons de faire. Nous, on respecte nos parents, on les a toujours respectés, c’est normal, on attend la même chose de sa part. Nous avons l’impression de ne plus comprendre les jeunes aujourd’hui. On aimerait avoir des conseils pour aider Alex à participer à nouveau à la vie de famille et à retrouver sa vie amicale et sociale. »
Comme notre métier, c’est la reformulation et la métaphore, nous enchaînons ainsi :
« Si nous comprenons bien, c’est comme si Alex était un collaborateur performant et engagé d’une entreprise dont vous, les parents, êtes le manager hiérarchique et le manager fonctionnel. Jusqu’ici Alex était un bon élément de l’entreprise, toujours en progression, intégrant de nouvelles compétences, toujours loyal, bref : Alex, ses managers et l’entreprise y trouvaient tous leur compte.
Aujourd’hui, les choses ont changé entre un entreprise qui évolue et s’adapte à son marché, qui fait face à du turn over d’une part, et la personnalité du collaborateur qui évolue elle aussi d’autre part.
Alex est un collaborateur conscient de son confort actuel qu’il ne veut pas quitter, mais également des limites de son poste actuel qui l’amènent à se projeter vers d’autres horizons professionnels.
L’entreprise pourrait être soulagée qu’Alex la quitte, parte ou démissionne, et en même temps elle souhaite qu’il reste ; elle y est profondément attachée, et c’est un très bon élément.
Alex veut le beurre et l’argent du beurre : il n’a plus envie de s’investir ou de faire des efforts comme avant, et en même temps, il a envie de reconnaissance et du même niveau de service et de confiance. »
Il est donc nécessaire de redéfinir un nouveau contrat relationnel.
Ce que nous avons proposé à Alex et ses parents
Nous avons proposé à Alex et ses parents de se confronter à différentes options possibles ainsi qu’à leurs conséquences relationnelles.
Nous avons ainsi pu proposer :
- S’il prend son indépendance, un accompagnement à destination d’Alex pour l’amener à réfléchir à ses choix de vie et d’orientation.
- L’accompagnement d’Alex pour l’aider à prendre une décision et à devenir une personne responsable de ses choix et de ses actes.
- L’accompagnement de l’ensemble de la famille pour reconfigurer les relations.
Quel que soit le dispositif proposé, nous avons fait rencontrer d’autres Alex à Alex, et les avons fait travailler et partager ensemble, convaincus de la puissance du collectif.
Nous avons également mis en relation ses parents avec d’autres parents confrontés à la même situation. Nous n’avons pas hésité à nous entourer d’experts pour enrichir notre compréhension collective des enjeux.
Nous avons proposé à Alex et ses parents de se confronter à différentes options possibles ainsi qu’à leurs conséquences relationnelles.
En conclusion
Pour grandir, il faut trahir : pour évoluer, pour tendre vers une responsabilisation plus grande de tous les acteurs, Alex et ses parents vont devoir remettre en cause (et donc trahir) les schémas passés, les configurations établies, leurs représentations, leurs croyances.
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