Le fantasme de LA bonne personne
« Il nous faut LA bonne personne, il nous faut l’individu parfaitement formé, au bon niveau d’expérience, avec les connaissances fonctionnelles et sectorielles parfaitement alignées avec notre besoin. »
Le fantasme de recruter LA bonne personne, compétente immédiatement, est très répandu en entreprise. Or, il est assez évident que LA bonne personne dans l’absolu n’existe pas. Au mieux, on peut rechercher la personne la mieux adaptée au contexte de l’entreprise, la performance étant le fruit d’une adéquation, d’une rencontre entre tous les acteurs concernés, elle ne pourra émerger que si l’ensemble de ces acteurs œuvrent en sa faveur.
=> Chercher la bonne personne, pourquoi pas, mais à condition de s’interroger également sur les conditions permettant l’émergence de la performance. C’est donc une responsabilité partagée.
Le fantasme que l'expertise va faire loi
« Nous avons besoin de l’Expert technique absolu qui comprendra nos problèmes et saura apporter les bonnes solutions »
Dans un registre connexe, et somme toute assez similaire, nous observons souvent le fantasme que l’expertise fait loi : parce qu’une personne est particulièrement experte de son domaine, alors elle fait ou fera pleinement l’affaire. C’est occulter complètement la dimension relationnelle de la performance et nier le fait que l’individu est toujours plongé dans un contexte humain : c’est la combinaison de connaissances techniques et savoir-faire comportementaux qui fait la performance.
=> Les compétences techniques constituent une condition nécessaire loin d’être suffisante ; les compétences dites « soft », les compétences relationnelles sont au moins aussi indispensables.
Le fantasme de la fonction providentielle
« C’est grâce à la refonte de nos SI que nous allons régler tous nos problèmes »
Traditionnellement, la mythologie de “l’homme providentiel” est celle d’un sauveur ou héros aux compétences exceptionnelles, parfois surhumaines. Ce narratif est souvent utilisé en politique, pour décrire le rôle de grands personnages historiques. Selon l’historien Jean Garrigues*, les grandes figures providentielles de l’histoire, se présentent comme extérieures au système, elles incarnent la réponse, la solution unique aux problèmes. En revanche, lorsqu’ils font partie de l’organisation, les hommes providentiels tendent à se comporter comme des marginaux, dissidents, rebelles.
Désigner une figure providentielle : quelles sont les implications ?
- Faire peser un poids énorme sur les épaules d’une seule personne, et donc prendre le risque de la rendre inopérante.
- Faire le récit d’une intervention de crise donc d’une intervention éphémère dont le héros sera seulement de passage. Dès lors, il est écrit que la personne sera invitée à partir une fois la mission accomplie.
- L’arbre qui cache la forêt : en ne parlant que d’un symptôme (le nécessaire remplacement du DSI par exemple), on occulte les maux plus profonds, plus systémiques, de l’organisation.
* Jean Guarrigues, Les hommes providentiels, histoire d’une fascination française, Seuil, 2012
France LYS et Jérôme MARQUIS, Directeurs Associés